LE COVID 19 : UN CAS DE FORCE MAJEURE ?
L’article 1218 du Code civil donne la définition de la force majeure : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. » ».
En d’autres termes, les obligations du contrat sont uniquement suspendues si la force majeure est reconnue. Elles subsistent donc mais sont reportées dans le temps et reprennent vie à l’issue de la crise sanitaire.
Sauf, si le retard fait que les obligations ne peuvent pas survivre et dépouillent le contrat de tout intérêt et de toute substance.
Oui, en raison de l'épidémie de COVID 19, inédite par son importantce, il faut se poser la question de la force majeure.
Mais attention, les Tribunaux ne reconnaissent pas systématiquement l’existence d’un cas de force majeure en présence d’une épidémie.
Notamment, la force majeure n’est pas reconnue comme une cause valable si l’épidémie préexiste au contrat.
La Justice a déjà eu à se pencher sur de nombreuses épidémies mais en tirer comme conséquence inéluctable et automatique une reconnaissance de la force majeure qui permet de se libérer de toute obligation : SRAS en 2002, chikungunya en 2006, grippe H1N1 en 2009.
Pour le CORONAVIRUS il faudra s’interroger, au cas par cas, contrat par contrat, sur le moment auquel les effets de l’épidémie auraient pu être anticipées.
- Quand ?
- Où ?
- Comment ?
Par exemple, quand a-t-il commencé, en Chine ? En France ? quels étaient les positions de l’OMS au jour de la conclusion du contrat, de sa prise d’effet, de la date de livraison… ? Quel est l’objet du contrat ?
La question se pose bien sûr sur les contrats de voyage et la détermination de la zone touchée. Le où. Pour les Juges c’est la destination de voyage et les possibilités de retour, au jour de la commande qui sera prise en compte.
Ce qui apparaît bien différent dans cette crise du COVID 19 s’est l’ampleur de la pandémie et son caractère dit létal.
En effet, les Tribunaux n’hésitent pas à rejeter la force majeure lorsque l’épidémie est connue, endémique et « insuffisamment » mortelle.
Un exemple intéressant, celui du chikungunya, le tribunal de Basse Terre en 2018 avait jugé dans ces termes :
« S’agissant de la présence du virus chikungunya, en dépit de ses caractéristiques (douleurs articulaires, fièvre, céphalées, fatigue, etc.) et de sa prévalence dans l’arc antillais et singulièrement sur l’île de Saint-Barthélemy courant 2013-2014, cet événement ne comporte pas les caractères de la force majeure au sens des dispositions de l’article 1148 du code civil.
En effet, cette épidémie ne peut être considérée comme ayant un caractère imprévisible et surtout irrésistible puisque, dans tous les cas, cette maladie soulagée par des antalgiques est généralement surmontable (les intimés n’ayant pas fait état d’une fragilité médicale particulière) et que l’hôtel pouvait honorer sa prestation durant cette période »
La pandémie du COVID 19 semble bien différente tant par sa force virale, les modalités et la durée de traitement, et la mortalité qui frappe les populations.
Désarmant les Etats. Et emportant des obligations inédites de confinement et perspectives, tout aussi inédites de déconfinement.
Mais ne nous voilons pas la face, il est peu probable que ces caractéristiques exceptionnelles de la COVID 19 génèrent un fléchissement de la Jurisprudence.
Le Juge examinera encore, au cas par cas, si oui ou non la force majeure est caractérisée, et si elle emporte ou non la résolution du contrat.
Et si, comme le prévoit l’article 1218 du Code civil, des mesures appropriées pouvaient être prises ou ont été prises.
En conclusion, l’épidémie exceptionnelle du CORONAVIRUS pose évidemment la question de la force majeure comme modalité de résolution ou de suspension du contrat.
Et pèse par son ampleur et sa violence sur la vie personnelle et économique. Pour les personnes et les entreprises.
Mais la force majeure ne pas peut être invoquée comme dans une partie de « chat perché », il faudra justifier en quoi le contrat est empêché, si l’activité était effectivement suspendue ou empêchée, par exemple par les mesures gouvernementales.
C’est pourquoi, qu’il s’agisse de contraindre votre partenaire de contrat à s’exécuter, ou au contraire, invoquer le bénéfice de la force majeure pour justifier votre défaillance, le dossier doit être travaillé avec un Avocat.
Quelques illustrations :
A ce jour, nous avons des exemples, qu’il faudra examiner à l’épreuve de l’épidémie de COVID 19.
La Cour d’Appel de Toulouse a jugé en 2019, pour rejeter la force majeure comme justification du non-paiement par le partenaire au contrat qui invoquait l’impact de la grippe aviaire sur son résultat financier : « son impact sur les résultats de l’exploitation n’établit pas qu’il présentait un caractère insurmontable et irrésistible susceptible de lui conférer la qualification d’événement de force majeure »
A une entreprise qui invoquait l’épidémie du virus Ebola comme cas de force majeure justifiant le retard de paiement des cotisations sociales spécifiques au commerce avec l’Afrique, la Cour d’Appel de Paris répondait en 2016 : « Le caractère avéré de l’épidémie qui a frappé l’Afrique de l’Ouest à partir du mois de décembre 2013, même à la considérer comme un cas de force majeure, ne suffit pas à établir ipso facto que la baisse ou l’absence de trésorerie invoquées par la société appelante, lui serait imputable, faute d’éléments comptables ».
En d’autres termes, il faut prouver la réalité de l’impact de l’épidémie sur l’activité.
Et les pharmaciens confrontés à la pénurie de masques ? :
Peu de Jurisprudence spécifique en la matière mais la Cour d’Appel de Poitiers s’est prononcée en 2014 sur les demandes d’un importateur de masques qui invoquait le blocage de ses masques en douane, comme un cas de force majeure pour justifier son retard de livraison.
La Cour a rejeté la force majeure « dès lors qu’il lui appartient de choisir un fournisseur fiable et de vérifier que les masques allaient être fabriqués en respectant toutes les exigences normatives annoncées dans la référence des produits vendus » (
En revanche, au titre des mesures prises par l’Etat, un soupçon de sécurité juridique, les déclarations du Ministre de l’économie et des finances, qui a annoncé, le 28 février 2020, que le coronavirus COVID-19 sera considéré comme un cas de force majeure pour les entreprises en particulier au regard des marchés publics de l’État, avec pour conséquence immédiate, l’inapplication des pénalités en cas de retard d’exécution des prestations contractuelles.
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Le 16 avril 2020
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